La terre, l'éther / 2000
Cette série est née de l’attirance que j’ai toujours eu pour les nuages, leur forte puissance évocatrice liée à leur faculté de me surprendre par leur perpétuelle transformation, tout en restant insaisissables. Alfred Stieglitz m’a beaucoup marqué avec sa série Les Equivalents en réussissant à créer une forme avec de l’impalpable, sans repères, évoquant un hors cadre.
Après m’être intéressée à la séquence et à la matière même du nuage, je suis partie explorer un site faisant partie de mon environnement proche. Ainsi, il m’arrive fréquemment d’apercevoir les vapeurs des tours aéroréfrigérantes d’une centrale nucléaire. J’ai ressenti le besoin d’aller les voir de plus près. Ce lieu est ma fabrique de nuages. Je les situe à la rencontre de la nature et de la culture. Elles sont le résultat d’une création humaine soumise aux phénomènes météorologiques. « Les nuages et l’eau ne se forment pas l’éther » a écrit Aristote dans Les météorologiques. Pour lui, l’éther était une zone au-delà de la terre chargée d’énergie à la fois chaude et sèche. Plus tard, pour les romantiques, il était au contraire un espace flottant, vaporeux propice à une pensée vagabonde.
Cette série photographique montre la source, la terre, lieu d’ancrage, tapie au bas de l’image. La densité de ses noirs suffit à l’imposer. Le nuage devient l’élément de passage. La présence des mots est là pour le rappeler, comme un leitmotiv. Un étirement du temps et de l’espace, de l’énergie poétique.